Dans les archives

L’énigme d’Anne BONNIN : nouvelles découvertes

Les généalogistes se sont mobilisés suite à la parution de mon dernier article sur Anne BONNIN, cette femme « mariée à un fantôme », et ont réussi à résoudre deux énigmes. Leurs découvertes éclairent d’un jour nouveau cette histoire, qui m’ont fait me pencher sur les guerres napoléoniennes.

Marie BRUNEAU ou… MILLET ?

Deux lecteurs se sont essayés à l’exercice de déchiffrage. Merci à Paul et Nadine qui ont lu MILLET sous le nom barré de BRUNEAU dans l’acte de naissance de Marie ! Il n’y a malheureusement pas de recensement sur cette période à Henrichemont, donc difficile de trouver des indices complémentaires. Une piste possible est la présence dans les témoins du mariage de Marie d’un certain Etienne MILLET, terrassier à Henrichemont âgé de 25 ans. Simple coïncidence ?

Le parcours de Joseph BRUNEAU

J’avoue ne pas m’y être frottée tant je pensais que les chances de retrouver des archives militaires du début du XIXe siècle me semblaient minces… mais si ! Un généalogiste (T.Vallé) a trouvé le matricule de Joseph BRUNEAU, ce qui m’a permis de reconstituer son parcours.

Reprenons le fil : le 24 février 1810, Joseph BRUNEAU épouse Anne BONNIN. Grâce à son dossier militaire, nous en savons désormais plus sur son physique : il mesure 1m65, a un visage ovale, le front couvert, les yeux gris, le nez pointu, une bouche moyenne, un menton rond, des cheveux et sourcils châtains. Il servit comme fusilier.

On estimait qu’il avait quitté le domicile conjugal vers 1811, mais la réalité est plus complexe. Joseph ne semble pas s’être rendu de bon cœur sous les drapeaux, puisqu’il arrive au 152ème régiment d’infanterie de ligne le 22 octobre 1813, venant du dépôt des réfractaires de Strasbourg.

Joseph aurait donc tenté d’échapper à la conscription napoléonienne. Une situation qui semble fréquente à l’époque, notamment parmi les hommes mariés qui ne voulaient pas abandonner leur foyer.

Matricule de Joseph BRUNON (BRUNOT) – 152e régiment d’infanterie de ligne, 1er mars 1813-3 mars 1814, SHD/GR 21 YC 952

Le contexte historique de la conscription napoléonienne

La loi de conscription du 19 fructidor an VI avait instauré le service militaire obligatoire. Certains y échappaient grace à l’exemption (dispense pour raisons familiales ou médicales), ou au remplacement (en payant un autre homme pour servir à sa place). Pour les autres il n’y avait d’autre choix que de devenir hors la loi : réfraction (désertion après l’incorporation) ou insoumission (en ne présentant pas au conseil de révision).

    Joseph, marié depuis 1810, avait probablement espéré échapper à la conscription grâce à son statut d’homme marié. Le fait que Joseph arrive au régiment en octobre 1813 depuis Strasbourg indique qu’il avait été arrêté et contraint de servir. Les dépôts de réfractaires étaient des centres de rassemblement où étaient envoyés les hommes qui avaient tenté d’échapper au service militaire.

    Un homme en fuite ?

    Joseph étant noté absent dans les registres, je l’avais imaginé en fuite. D’autant plus qu’il est noté rayé en 1814 dans le registre matricule. Et bien non ! Un acte de décès en bonne et due forme a été dressé le 31 décembre 1813 à Cernay (68). À quatre heures du soir, la veille, Joseph BRUNEAU, âgé de trente ans et bien identifié comme militaire, était décédé.

    Entre la fin 1813 et la fin 1815, l’Alsace avait été traversée à plusieurs reprises par des soldats français ou étrangers.

    Acte de décès – 1793-1851 – Cernay – Archives d’Alsace – 5Mi/95/14

    L’information qui ne parvint jamais

    Joseph BRUNEAU meurt le 30 décembre 1813, soit moins de trois mois après son incorporation. Mais cette information semble ne jamais être parvenue à Henrichemont. La priorité n’était sans doute pas d’informer les familles, et l’administration devait être désorganisée.

    Anne BONNIN se retrouve donc dans une situation dramatique : officiellement mariée à un homme dont elle ignore la mort, elle doit survivre seule sans pouvoir épouser d’autre homme. Elle ne fut sans doute pas la seule : les guerres napoléoniennes ayant entraîné des pertes humaines considérables.

    Merci à tous les généalogistes qui ont contribué à cet article !


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